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SPECTACLE

dossier Barker : Mon décalogue sur le théâtre de la Catastrophe

1-
Je viens d’une culture théâtrale, celle des années 70, étiquetée comme théâtre expérimental et/ou de recherche. Elle véhicule une idée du théâtre, de la façon de le pratiquer, très différente à une certaine tradition occidentale et institutionnelle, qui construit sa pratique en partant d’un Moi, un Je, un premier rôle, une tête d’affiche. Je me suis formé au contraire avec une culture du travail en groupe, en troupe, où l’acteur est considéré comme  l’axe à partir duquel se construit un spectacle.
Fondamentalement l’idée cardinale de cette démarche est de considérer le théâtre comme une aventure collective. Mettre le Nous avant le Moi ! Voici un premier point fondamental qui me relie à la pensée théâtrale de Barker :

(…) « Nous nous sommes mis à avoir honte du Je au théâtre, et nous avons appris à parler du Nous. À juste titre, parce que c’est un art collectif, et parce que nous faisions des choses nouvelles, nous attirant rapidement des ennemis.
Moi aussi, je voulais en être, et je découvris aussitôt que les acteurs étaient nos alliés, eux qui savaient au travers de la parole ce qui frappe et ce qui manque.
» Howard Barker

2 –
Je me retrouve dans cette idée que le théâtre doit afin de se considérer comme un art à part entière, produire une forme, une esthétique et une poétique qui n’est pas la reproduction de la réalité. Le comportement scénique d’un acteur, sa façon d’agir et de parler sur une scène, n’est pas l’imitation de notre médiocrité quotidienne. Il ne cherche pas à reproduire des formes préexistantes. Le spectateur de théâtre doit être en face d’un artiste qui réalise des actions, parle ou chante de telle manière que n’importe quel spectateur ne pourrait le faire. D’ailleurs à quoi bon payer une place pour assister à une performance qui est à la portée du spectateur? 

« Le théâtre que je pratique crée son propre monde; il n'a nul besoin d'être validé par des sources extérieures qui relèveraient soit de l'idéologie soit d'un réalisme d'emprunt, qui est lui-même une idéologie. Il est compulsivement imaginatif et ne ressent aucune responsabilité à l'égard des conventions historiques ou politiques.
(…) le public s'engage dans une œuvre d'art dans laquelle les critères normaux d'agressivité ou d'empathie sont abolis (…)
(…) Le théâtre, comme je l'ai suggéré précédemment, n'est pas la vie décrite, mais la vie imaginée, c'est l'ouverture d'un possible et non la reproduction à l'identique. »
Howard Barker

Je n’ai jamais considéré le théâtre comme un moyen de communication afin de transmettre un message, ni non plus comme une tentative pédagogique avec l’intention de changer le monde. Par contre, je crois qu’il peut offrir une possibilité de changement à ceux qui le réalisent. Il peut devenir résistance politique, une sorte de résistance sociale, dans la mesure où il donne la possibilité de réaliser une jouissance individuelle partagée.

3 –
Le théâtre tel que je le conçois n’est pas seulement un produit, une simple marchandise dans la circulation du marché du divertissement. Il est surtout un processus complexe, une aventure artistique et existentielle, un questionnement permanent sur la manière de le pratiquer, l’organiser et le produire.
L’élaboration d’un spectacle est un processus jalonné par des tensions, des intensités, des relations multiples, par exemple entre l‘abstrait et le concret, entre le texte et les acteurs, entre le metteur en scène et les acteurs, entre les acteurs et les spectateurs.
Ce processus ne cherche pas à réaliser, interpréter un texte, mais à re-créer une relation dialectique, critique où on s’interroge, on se confronte, on doute, afin de trouver un accord et une justesse dans les relations crées pour la représentation.
Le théâtre doit devenir le lieu de tous les possibles d’un être !

(…) Un théâtre tragique révèle toute la palette des émotions humaines et tente de l'étendre, et il implique une obligation d'explorer, de décrire tous les domaines de l'expérience humaine et de spéculer sur eux (…)
(…) La stérilité du théâtre contemporain, et son extinction imminente, tiennent au fait que le théâtre se perçoive, d'un côté, comme une industrie soumise au marché ou, de l'autre, comme un service social avec une obligation populaire. Appelons cela la droite et la gauche, s'il faut employer des formulations politiques. Chacune de ces positions impose à l'auteur dramatique de satisfaire un public dans ce qu'il perçoit de ses attentes - divertissement ou éducation. En s'efforçant de combler ces attentes, le théâtre remplit servilement des tâches remplies plus efficacement ailleurs et amoindrit les pouvoirs qui lui sont propres, la poésie, la voix parlée, la magie de l'acteur. Le théâtre Catastrophique en revanche, ne se plie pas le moins du monde à des exigences. Il n'invoque pas le public pour justifier son existence. II assume le public, et paradoxalement, c'est en l'assumant qu'il existe. Pourquoi existe-t-il ? Parce que le théâtre tragique s'adresse à des besoins qui ne sont pas formulés dans la culture plus vaste, avant tout le besoin de souffrance, et la souffrance est la nécessité secrète sur - laquelle la tragédie fonde son imaginaire.(…) Howard Barker

4 –
Surement un des fondements du théâtre est le jeu, dans le sens ludique du mot, dans le sens d’agôn, du duel, mais surtout dans le sens du jeu comme lieu de l’imaginaire au théâtre. Comme tout jeu le théâtre crée son propre monde, ses propres règles autonomes du monde extérieur. D’ailleurs en plusieurs langues on se réfère à l’activité théâtrale comme un jeu : Play, Spiel, Jeu etc.
Mais  que  signifie jouer lorsque nous sommes dans une société du spectacle, lorsque le jeu social l'emporte sur toute autre forme d'expression? Avons-nous mesuré à quel point le "théâtre" est partout dans l’expression de la vie commune ?
Le théâtre et le jeu spécifique à lui se banalisent dans un jargon ou métalangage qui touche à toutes les activités sociales. On parle aujourd'hui du « jeu politique » ou du « jeu économique », quand il ne s'agit pas du jeu de la guerre avec son morbide "théâtre des opérations". Nous nous trouvons donc de plus en plus face de ce "mauvais théâtre du réel".
Que opposer pour préserver la spécificité du jeu de l’acteur ?  Sûrement la présence « lumineuse » de l'acteur. Car il faut le dire, un acteur est à la fois plus et moins que son rôle. Il n’est pas contenu seulement par un personnage ou un rôle. Non, il est bien quelque chose de plus « mystérieux ».
Si nous voulons affirmer cette direction, celle de la présence de l’acteur, il faut donc considérer la mise en scène comme direction de potentialités créatives de l’acteur.
Je suis attentif dans ma pratique avec les acteurs à créer une zone, sorte de « biotope », où  peut naviguer librement le visible qui a à apprendre avec l’invisible de ce que l’acteur sait, sans toujours le savoir.
Depuis longtemps je porte une attention curieuse et studieuse à l'art de l'acteur. Parce que je pense que c’est la seule attitude possible afin que l’acteur ne devienne pas, dans le processus de production, un simple objet à manipuler, une marchandise à échanger dans le marché du divertissement, une ombre transparente prise dans le filet et la pesanteur du réel. Il s'agit de garder vivante la pratique de l'acteur tout en la soumettant à d'exigeantes interrogations au sujet de son métier, en l'érigeant en objet de ce savoir artisanal indispensable au théâtre.

(…) La pièce, je le répète, n'est pas un débat, elle est littéralement «jeu», et comme les jeux d'enfants elle invente son monde, sans avoir besoin d'une légitimation venue de l'extérieur. Elle traite de l'impossible, et tire son immense autorité spirituelle de cette question simple,  « et si ... ? », et non d'un banal « saviez-vous que ... ? » La question « et si ... ? » immunise le théâtre contre ses pires ennemis, les chercheurs de matériaux, lesquels sont capables de sabrer un documentaire en mettant en avant un seul fait. Dans le théâtre de boîte noire, rien qui puisse être remis en cause parce que cela n'aurait pas eu lieu, ou qu'il n 'y aurait pas de précédent. Et, à ce cri plaintif du « cela ne pourrait jamais se passer ! », la réponse est  « justement, c'est du jeu ! » Or le jeu est dangereux, naturellement, il va là où l'on ne s'y attendait pas, il est tout simplement immoral.

J'affirme que le pouvoir du théâtre devrait être bien plus grand qu'il ne l'est dans le monde contemporain mais qu'il a délibérément choisi de s'émasculer lui-même en imitant les façons de faire de ses rivaux. Les écrivains adorent se penser eux-mêmes comme des éducateurs, et ont subordonné les acteurs à leurs désirs.(…)

« L’unique possibilité de résistance à une culture de la banalité se situe dans la qualité »
Howard Barker.

5-
Anthropologiquement la relation constitutive de la pratique théâtrale est la relation Je-Tu.  Quand cette relation s’établit, l’acte théâtral est possible. Le Théâtre est donc une rencontre, en chair et en os entre deux personnes : l’acteur et le spectateur.

Si nous suivons la pensée de Georges Bataille, plus particulièrement celle affirmée dans « La Part Maudite »,  nous pourrions alors dire que le théâtre est un gaspillage d’énergie libidinale qui ne sert pas à reproduire quoi que se soit. Il n’appartient pas au monde de l’utile, ce monde qui est déterminé par la logique de notre société de consommation.
Mais, si on réfléchit dans une autre logique on peut trouver qu’il est nécessaire à la société, dans la mesure où il contribue à l’échange symbolique, à la formation de la culture.

Le théâtre couve en son intérieur plus d’un paradoxe. Etant un art du vivant, il est aussi le plus mortel des arts. A chaque représentation l’acteur et le spectateur meurent en tant que tels, à chaque nouvelle représentation ils ne pourront jamais être les mêmes. Et même si la mode de la « performance » tente de nous convaincre, dans le théâtre ni acteur ni spectateur son interchangeables, ils sont uniques.
Quand le théâtre est vivant et intense il a toujours à voir avec la mort et en même temps c’est une espèce d’exorcisme.
Au cinéma et à la télévision, ce rapport à la mort est autre. Un acteur ou un spectateur peut mourir sur la scène, en pleine représentation. Si cet évènement a lieu pendant le tournage du film ou pendant un programme de TV, ils ne sont pas affectés, l’émission ou le tournage peut continuer. Dans une représentation de théâtre c’est impossible de l’ignorer. La particularité du théâtre, je le répète, c’est que les personnes, l’acteur et le spectateur, ne sont pas interchangeables.

(…) «  dans le théâtre de la Catastrophe s’ouvre la perspective d'une nouvelle relation entre le public et la scène.
Qu'est-ce que, selon moi, cette relation, et en quoi devrait-elle à mes yeux être différente? Mon idée est que la faiblesse du théâtre contemporain, c'est sa peur du public. Les gradins de la plupart des salles évoquent les amphithéâtres universitaires ou pire, le banc des jurés. La gratification de cette masse potentiellement hostile, serrée en rangs au-dessus des acteurs dans une position de domination critique, est la fonction première de la représentation. Sans parler du théâtre commercial, l'idée de « succès », même chez les compagnies radicales, prédispose à faire des compromis avec les pleines exigences de l'imagination créatrice, laquelle, dans le théâtre comme dans tout art, réclame une absolue liberté. La terreur qu'« ils» puissent ne pas « comprendre» la scène, qu'« ils» puissent perdre le fil de la fable, ou que « nous» puissions être accusés d'élitisme si le « sens» devient obscur -« obscur », comme le mot revient souvent quand un écrivain se fait taper sur les doigts -, toute cette fausse démocratie paralyse le théâtre. Mon opinion est que derrière l'idée de « clarté» et de« sens» se cache un mépris à la fois du public et des pouvoirs de l'imagination.
La désintégration du consensus humaniste-libéral nous offre l'occasion de modifier l'esthétique de la création actuellement en vigueur. À l'époque de la surabondance, du divertissement, de l'information, de la documentation et de l'analyse, le théâtre n'a rien
à gagner à rivaliser avec des technologies qui lui sont supérieures. Le théâtre d'analyse sociale, qui repose sur la communication des idées et, par conséquent, sur un flot continu de fables pourvues de sens, traite son public comme un chien en laisse. L'effroi que ressent le public privé de ce genre d'histoire est comparable au choc ressenti par un animal qu'on sort
de sa cage - il hésite, il résiste même, à la perspective de sa propre liberté. Dans le théâtre de la Catastrophe, le marché selon lequel le public renonce à ses droits pour s'assujettir à l'auteur en échange d'information ou de divertissement, de conscience ou de massage, est aboli. Le premier signe attestant l'inexistence d'un tel contrat est la cadence étrange d'un nouveau langage, dont les rythmes et la syntaxe ne sont pas ceux du discours habituel. C'est un discours aussi contraint que la poésie, disloqué, parfois lyrique, souvent cru, dont la densité et les contradictions internes sont à la fois source d'évocation et de confusion. Dans une culture où le langage a perdu son prestige officiel au profit de l'image et du commerce,
ce flot de verbe sonore submerge son auditeur, lequel doit se satisfaire d'une compréhension partielle mais dont l'attention est retenue par la substance sensuelle du discours dans la bouche de l'acteur formé (…) Howard Barker


6-
Le théâtre est vivant et intéressant seulement quand il essaie de faire ce qu’il ne connait pas. C’est seulement dans ces situations que le théâtre devient inventif.
Chaque fois qu’on oblige un art à devenir rentable, il descend son niveau, il se standardise dans son effort à s’adapter à une demande. Le théâtre dans nos sociétés de divertissement est devenu un art minoritaire qui ne peut pas concourir ni avec le cinéma, ni avec la télévision, activités qui visent à 100% le divertissement populaire.

Je cherche qu’au  théâtre, la langue, la parole, la voix  construisent du sens non seulement par une référence à un signe, mais aussi et surtout par la musicalité et le rythme d’une parole. Cette recherche a commencé avec les textes de Heiner Müller, s’est poursuivit avec Novarina et avec une série de spectacles musicaux. Elle continue d’une autre manière avec un auteur comme Howard Barker.
Il y a dans la langue de Barker, comme d’ailleurs chez Müller, une structure musicale, un rythme qui invite aux déplacements des intonations, à la reconstruction théâtrale de la langue française, de ses accents. Pour y parvenir se pose alors la question de l'espace dans lequel le texte est donné à entendre. Et c’est peut être une des raisons de l’existence d’un lieu comme le théâtre du Galpon comme espace polyvalent-polyphonique.

(…) « En faisant dépendre le succès ou l'échec d'une œuvre dramatique de la reproduction d'une expérience qui se tient en dehors des murs du théâtre, en les inféodant au principe étouffant de l'imitation, la théologie artistique humaniste ampute l'homme de ce qu'il y a de mauvais dans sa propre nature et de la perversion de sa pensée.
(…) « Au lieu de cela, on peut voir le théâtre comme une expérience décivilisatrice, comme une série de permis de transgresser, comme un acte d'indiscipline ou de mutinerie dont les formes sont le reflet inversé de la moralité conventionnelle, ou comme un ensemble de spéculations morales qui ont le droit de s'exprimer grâce aux barrières physiques et émotionnelles entre le théâtre du monde.(…)
(…) En affirmant le droit à l'intimité, le théâtre non humaniste pose les bases de son esthétique: l'autonomie de l'œuvre d'art en tant qu'elle est mise en scène et visualisée, les écarts et divergences entre les membres du public devant être considérés comme aussi cruciaux pour l'expérience que l'absence de cohérence sur la scène.

(…) Parvenir à arracher le théâtre à l'esthétique répressive de la reconnaissance exige, comme je l'ai indiqué, l'affirmation à première vue du théâtre comme un lieu privilégié adjacent au monde social mais n'appartenant pas au monde social, et plus encore la destruction de ce portique menant aux délices que sont les plaisirs infantiles de la reconnaissance et son remplacement par le porche sombre de l'angoisse. (…)
Howard Barker

7-
Depuis la nuit des temps du théâtre occidental, nous avons un « texte littéraire », un texte théâtral, qui est considéré comme la base à partir de laquelle se font les mises en scène. Ce texte « littéraire » est le meilleur héritage que l’occident, depuis la tragédie grecque, a donné au théâtre Universel, (car l’Orient pour sa part nous a donné une variété incommensurable de formes et de techniques sur l’art de l’acteur).
Dans cette dramaturgie « classique », « patriarcale », qui a été construite sur le modèle de l’héros, il y a peu de place pour les femmes. Howard Barker renverse la tendance en donnant une place au désir, au pouvoir de la femme sur scène.
En voulant « récrire une tragédie contemporaine, il ouvre grand les portes afin que la femme prenne aussi sa place à l’intérieur du tragique ».

Les personnages féminins proposés par Barker ne sont pas des entités homogènes habitées et animées seulement par une psychologie. Il y a souvent plusieurs femmes dans un personnage, le cas de Gertrude par exemple, elle est tout à la fois reine, putin, amante, mère et ainsi de suite.
Barker comme Müller, (même si chez celui-ci, il y a plus de radicalité), cherchent à casser l'identification du personnage. Il faut que les interprètes construisent une  sorte de « machine désirante ».

« Quand le monde aura brûlé́, il restera des femmes. Deux. Peut-être. » H. Barker

8-
Pour moi le texte dit théâtral, représente avant tout une « machine » d’évocation, une trace à suivre afin de construire avec les acteurs, une vision.
Dans mon travail, la dramaturgie c’est l’élaboration d’une partition textuelle (qui ne respecte pas nécessairement l’ordre du texte dit « littéraire ») qui sera ensuite réglée sur la partition de l’acteur. Si on s’exprime dans ce termes nous parlons alors de la construction du spectacle comme composition et non comme l’interprétation ou représentation d’un texte.

Dans notre processus d’élaboration du spectacle, il y a une contamination constante entre la partition textuelle et la partition physique, émotionnelle et psychique de l’acteur. Elles évoluent parfois parallèlement, parfois elles ont leur propre devenir. Elles se nourrissent et se dynamisent en permanence. Mais toujours, la direction sera donnée par la partition élaborée par l’acteur, sur la base d’une fable, d’un souvenir intime ou d’un thème proposé, et c’est seulement ensuite qu’arrive la rencontre avec  le texte théâtral.
Cette rencontre est donc le résultat d’un processus « non littéraire », une rencontre qui se fait pour et dans la scène. Dans ce processus, il y a le corps et la voix de l’acteur, les mots du texte qui se transforment en parole en souffle de l’acteur. Ce souffle n’est pas croyance, ni message, c’est plutôt la combustion qui imprime l’acteur a une intentionnalité qui le dépasse, a un imaginaire, à une vision qui est en train de prendre forme.

Dans notre pratique théâtrale les didascalies font partie comme tant d’autres traces composées pendant le processus de création, d’un tout. Des indices de ce qui a été dit, ce qui a été peut être étouffé, qui a été fait ou de ce qui a été éliminé. Elles aident à préciser les circonstances aux abords des quelles nous cherchons, bougeons. 

« L'acteur n'est pas tout à fait humain. [ ... ) [C'est un être vraiment autre, avec des dons singuliers, notamment dans le corps et le discours, le discours singulièrement; il a le don de séduire  (...) mais le discours, c'est là qu'est le secret perdu, et le discours poétique est presque religieux dans son pouvoir: non pas la répétition monotone du drame naturaliste, mais le voyage rythmique, ondoyant, de cette forme élaborée qu'on appelle « le discours ». Sur scène l'acteur se trouve autorisé à faire l'infaisable, et il ou elle nous « fait sortir de nous-mêmes ».

« La forme de la pièce doit refléter non pas sa capacité à rapporter certaines vérités que l'on ne peut parfois pas dire ailleurs, ce qui en fait des informations d'actualité, mais sa qualité distinctive en tant que forme, laquelle tient à l'acteur vivant, qui ne peut être confondu avec la vie réelle ». Howard Barker


9 -
Une idée du théâtre minoritaire.
Notre pratique théâtrale est minoritaire dans la mesure où elle ne participe pas aux valeurs esthétiques prédominantes et aux étalons tracés par le marché. Elle est minoritaire car elle ne s’offusque pas de chercher et trouver le consensus, ni moins encore ressembler à un modèle que la contemporanéité considère comme celui à suivre.
Nous affirmons cette appartenance à la minorité dont le théâtre de Barker fait partie par sa radicalité tant dans sa forme que dans sa dramaturgie.
Car même si Howard Barker ne le dit pas, ses textes transpirent par tous les pores, la société contemporaine, le scandale incompréhensif qu’elle est.
Ces textes, ou mieux sa poétique, parlent de comment le monde peut-il être aussi pitoyable et catastrophique et ses personnages sont des métamorphoses assujettis à ce monde là.


« Qu'on me laisse affirmer ici sans ambiguïté que le théâtre ne sert à rien, qu'il abdique tout concept d'utilité, qu'il se dresse contre toute idée d'annexion et d'appropriation étant donné qu'il n'est ni une échappatoire par rapport à l'ennui de la vie quotidienne, ni un palliatif pour faire face à des relations sociales monstrueuses et que, par conséquent, il ne réconcilie personne avec son voisin ni avec son destin. II est bien plus probable qu'il suscite de la rage ou de la mélancolie, voire une disposition au suicide, plutôt que de faire naître la réflexion ou le discernement. Sa nature est torrentielle, barbare, hostile à toutes preuves, ses méthodes sont celles de la pléthore et de l'excès et, par son origine même qui a à voir avec la simulation, le théâtre est un hôte improbable pour accueillir le projet progressiste de l’humanisme et sa présentation hyperbolique de la vérité. » Howard Barker

10
Le théâtre, l’art des tous les possibles.
Souvent nous entendons que la création est l’acte de passage du possible au réel, mais au théâtre nous pouvons renverser cette formule et affirmer que le possible vient après le réel. Souvent, dans le processus de création d’un spectacle, j’entends, après une improvisation ou une séance de travail, l’expression : “Ah, oui, c’était possible”.
Parfois donc le possible est plus que le réel. Il est peut-être une sorte de nuit noire, où une partie de l’acteur, ou d’un élément composant le processus, sommeille en attendant tout simplement l’aube pour rayonner de toute sa présence. 

Afin que ses possibles puissent exister pendant le processus du travail il faut éviter la « gestion ». Qu’est-ce que gérer, sinon de rapatrier le maximum d’inconnues dans le connu. Il faut empêcher que le champ de la routine s’accroisse.
En première instance, ma fonction de metteur en scène n’est pas de définir ce  qui est bon ou mauvais, mais d’être attentif à ce que des compositions et des rapports entre les acteurs se dessinent toujours. Ce qui est recherché, ce sont les stimules qui augmentent la puissance d’agir de l’acteur, en sachant que les émotions et la joie arrivent ensuite.
Je dois stimuler les forces qui poussent à agir chez chaque participant du projet avant même du penser à comment leur donner une forme ou comment les représenter sur scène.

 

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Vous qui pénétrez ici, abandonnez toute révérence et tout conformisme ! Cédez à l’extravagance de ce cabaret irrévérencieux !

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La Panne

Je parle. Je parle pour que quelqu'un m'entende. Je me trouve mêlé à une histoire qui me laisse sans voix, à une affaire inextricable et indicible..

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Gabriel Alvarez

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