La Reine Ecartelée /
« La Reine Ecartelée » Elisabeth 1ere, de lagloire au poulailler
THÉÂTRE. Tandem déglingué de fin de règne crapuleux, une reine et une naine hantent le Théâtre du Galpon, à Genève.
La vieille reine Elisabeth 1ere d’Angleterre est tombée dans le caniveau. Grotesque, elle parade encore. Elle est ordurière et séductrice, peut-être démente. Une naine, complice de sa déchéance, la véhicule dans une brouette (c’est ici un trône pour monarque déchu). C’est que la reine est passée de la gloire au poulailler, sur quoi elle règne sans mesure. Et il y a là des poules, bien sûr, de la sciure et des copeaux, du foin, des illusions en tas. Blafarde et grimée, Elisabeth 1ere rit jaune de se voir si laide en son miroir. Pour notre bon plaisir.
Les premières minutes de La Reine Ecartelée - la dernière création de Gabriel Alvarez présentée actuellement au Théâtre du Galpon - sont plutôt déconcertantes, voire inquiétantes, tant le climat créé par le metteur en scène est particulier. La situation initiale (on observe deux personnages en manque flagrant de vitalité) fait aussi tôt penser à du Beckett, mais dans une version baroque.
Le matériau textuel s’alimente ici à des sources bien différentes (Marie Stuart de Dacia Maraini, le Roi Lear de Shakespeare) et ne conserve de l’univers de l’auteur irlandais que l’atmosphère délétère, une sorte d’écroulement permanent de toutes choses, l’indétermination du temps et de l’espace. Pour le reste, le spectateur comprend qu’il s’agit du déclin d’une reine cruelle, de la folie sénile d’une reine qui a gommé sa féminité et se complaît dans la cruauté.
LA FOLIE EN ACTE
Dans ce spectacle intense et bref,l’intérêt réside dans la force du jeu, la singularité du ton et dans la puissance évocatrice des images. Il faut ainsi se laisser inquiéter par cette reine - elle est une menace constante pour le spectateur qui est placé sous sa griffe - et suivre les contours de sa folie, s’immiscer dans « l’étrange sabbat » qu’orchestrent les comédiennes Clara Brancorsini et Sandra Gaspar. La compagnie d’Elisabeth nous sera, dès lors, des plus agréables.
LE MAG’/CULTURE / Le courrier 28.9.02
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La reine Elisabeth au poulailler Le Colombien Gabriel Alvarez s’empare au Galpon d’une figure historique
Qui aurait pensé rencontrer un jour le fantôme d’une reine d’Angleterre dans un poulailler? Les spectateurs de La reine écartelée sont confrontés à cette apparition dérisoire pendant toute la durée d’une performance théâtrale au baroquisme appuyé.
Au Théâtre, du Galpon, la comédienne Clara Brancorsini règne sur un public interloqué et sur quelques poules dressées à rester sur scène.
Les volailles sont les figurantes modérément bavardes d’une longue scène de folie. Elisabeth d’Angleterre est représentée en reine à bout de course, isolée dans ses appartements avec une naine qui la sert de mauvaise grâce. Clara Brancorsini et sa partenaire Sandra Gaspar sont les seules interprètes de cet assemblage de différents textes parmi lesquels des extraits de la pièce Marie Stuart de l’Italienne Dacia Maraini.
Il ne faut pas chercher ici une trame ni la description des faits historiques reconnaissables. Le meilleur moyen d’apprécier l’entreprise d’Alvarez et de sa troupe est de se laisser emporter par les images et les flambées du texte.
Costumée et grimée de manière à la rendre à la fois touchante et terrifiante, Clara Brancorsini paraît s’amuser beaucoup. Jusque dans la mort, qui la fige dans la position du gisant, dernière vision aussi royale que dérisoire d’une évocation soignée.
TRIBUNE DE GENÊVE / JEUDI 10 OCTOBRE 2002 /BENJAMIN CHAIX