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SPECTACLE

Le Crapaud Cuit !

A quoi bon le théâtre ?

"Sans pouvoir dire au juste ce qu'est le théâtre, je sais ce que je le refuse d'être : la description des gestes quotidiens vue de l'extérieur (...) "pas plus que le théâtre n'est un reflet ou une copie de la réalité, il ne saurait être l'enseignement d'une morale ou délivrance d'un message" Jean Genet Les Bonnes, préface 1963

Démocratie, Marché et Création.

Est-ce que le théâtre a cessé d'être un art politique ? Et d'ailleurs qu'est-ce qu'un art politique ? N’est-il plus qu’un divertissement qu’il faut préserver simplement parce qu’il génère quelques emplois ?  Qu’en est-il aujourd’hui ?  Le théâtre, les arts de la scène et l’art en général n’aurait plus d’autre conscience que celle du plus petit dénominateur commun, de l’audimat et de la rentabilité ?

Un des problèmes lors de la préparation de mes spectacles, est celui  du montage des scènes et des actions afin de capter l’attention du public. Pour moi, le montage  est réussi dans la mesure où le plus grand nombre de spectateurs a vu, perçu, compris dans leurs cerveaux le même spectacle. Il existe des techniques pour y parvenir et elles sont passionnantes. Quand on les étudie, nous comprenons vite qu’elles dépassent le cadre théâtral,  puisqu’elles sont utilisées dans d’autres domaines comme la publicité, le marketing, afin de modeler le comportement des consommateurs culturels, la plupart du temps, à des fins commerciales déclarées.

Nous savons que les enjeux de l’industrie du divertissement ont bouleversé tous les rapports existants entre la manière dont est financée la culture, conditionnant chaque fois de plus les formes de production indépendantes et susurrant aux oreilles des créateurs ce qu’ils devraient créer, le type de produit, afin de pouvoir le vendre.

Les termes comme rayonnement, part de marché, audimat, nombre de spectateurs dans les salles, ou pire encore la dichotomie entre théâtre élitiste et théâtre populaire, et bien d’autres encore, aident à constituer un discours éminemment économique où peu à peu la diversité est sacrifiée sur l’autel de la standardisation.

La réussite artistique d’un spectacle du point de vue de l’idéologie néo-libérale n’est déterminée ni par sa valeur artistique et symbolique, ni par rapport au sens qu’elle crée, mais par le nombre de représentations, de spectateurs, et autres marqueurs économiques qui plaisent tellement et qui la plupart du temps, maquillent des œuvres d’une médiocrité alarmante.

Si on parle de la valeur en nous situant d’un point de vue du métier, de la manière de faire le théâtre, d’utiliser les mains et les pieds pour le faire, nous pouvons alors nous questionner  sur les critères qui définissent sa valeur.  La valeur d’une activité théâtrale est-elle déterminée par les effets qu’elle produit ? Et comment ces effets peuvent- ils être quantifiés, définis ? Nous savons qu’il y a des produits, des objets, qui ont de la valeur, car ils répondent à un besoin, par exemple la nourriture. Mais la valeur de la nourriture est-elle calculée sur l’effet qu’elle produit sur mon organisme ?
La pensée néo-libérale s’est fait un chemin dans les milieux artistiques, laissant pas mal de ruines et pire encore de lieux communs. Pour cette pensée, un spectacle est un produit comme un autre, il faut qu’il se vende et si c’est le cas, nous disent les agents et producteurs artistiques, c’est parce que il est demandé, désiré !!!

Et l’originalité et la cohérence de la démarche ? Et la diversité des personnes qu’il touche, ou les gens qu’il implique, par exemple des enfants, des personnes âgées, etc. Et la stimulation culturelle que la création peut mettre en route ? Peu importe, nous répondra la pensée néo-libérale.

Revenons au point de départ : la captation de l’attention, car pour comprendre ce phénomène il faut regarder de plus près les techniques qui sont utilisées pour capter et créer des comportements, des goûts de consommation artistiques.
De ce point de vue, le pauvre Van Gogh a sombré dans la misère, car il n’a pas voulu comprendre cette porosité entre la valeur marchande et la valeur artistique d’une œuvre,  à la différence d’un Rembrandt ou d’un Poussin qui ont bien compris le lien entre marché de l’art et la peinture. Cependant personne n’osera dire que la qualité de la peinture de Rembrandt a été déterminée par son activité de marchand de tableaux !

Oui, c’est une réalité que personne ne peut nier : il y a une industrie du divertissement qui détermine des positions politiques vis à vis des soutiens à la création et qui met aussi en branle nos opinions sur la démocratie, la diversité, le quantitatif et qualitatif, le populaire ou non populaire. N’oublions pas Hollywood comme lieu de production de modèles de comportement, images et fantasmes qui ont une très grande incidence dans la manière dont les gens pensent…et rêvent.
Mais, il y a aussi la culture de l’âme dont parle Cicéron, cette culture qui se forge avec des choix personnels, des esthétiques et poétiques qui ne répondent pas forcement aux demandes du marché du divertissement et du loisir, mais plutôt à des valeurs comme le partage, partage « du souci de soi », d’une certaine intériorité, d’un désir de vérité, d’une envie de privilégier tant le processus que le résultat.

Alors si on doit parler de Démocratie en relation à la création, il faut donc se situer dans ce nouveau contexte sociétal où le Dieu tout puissant du marché, (quand on parle du théâtre), est partout et nulle part !

Les nostalgiques de la démocratie athénienne et de la culture grecque nous font des discours sur la démocratie : la cité et le théâtre. Ils prennent toujours comme référence et comme seule source du théâtre occidental, la tragédie grecque. Ils oublient qu’il ne subsiste de ce théâtre-là que des textes appartenant à la bibliothèque de l’humanité. Quant à sa pratique, nous n’en savons pas grand-chose !

Nous constatons  qu’il y a plus de gens qui vont dans les stades de foot que dans les théâtres. La notion de « peuple » est complètement bouleversée ; le peuple d’Athènes et celui de l’après-deuxième guerre mondiale, lorsque Vitez à créé le théâtre populaire, ne sont aujourd’hui que des vestiges du passé.

Nous pouvons nous demander de quels principes démocratiques il s’agit, quand nous voulons débattre sur le théâtre et la culture ici et maintenant ?
Il s’agit de ceux qui constituent une série de règles pour créer un ordre, pour établir un contrat social qui a comme fonction la protection de la diversité, des minorités, des fragiles et des faibles. Ou bien s’agirait-il de cette démocratie dite représentative avec ses vices et ses vertus (professionnalisation du politique, omniscience des experts, utilisation de plus en plus fréquente d’une terminologie de marketing et de gestion d’entreprises) qui parle au nom du peuple, qui est régie par l’opinion et dont la participation citoyenne s'arrête aux urnes ?
Oui, en effet, quand on parle de Démocratie, la notion du quantitatif prédomine. Parlons-nous d’une société démocratique quand celle-ci fait des efforts pour élargir et renouveler les publics ? Ou quand elle se pose des questions sur comment développer la diffusion des spectacles et se livre à des enquêtes de fréquentation, de statistiques sur les pratiques et goûts culturels des populations ? Ou encore quand-elle débat sur des objets culturels, sur la rotation des produits, de la « culture kleenex » ? 

Et quand on parle du peuple, principe souverain de la démocratie, ayons l’audace d’évoquer « le public », au nom de l’exigence d’un « élitisme pour tous » afin d’opposer le processus de création artistique à l’industrie du divertissement.
Il faut avoir le courage de se dégager du comptable, de la statistique, non pas pour fuir contraintes et astreintes budgétaires, mais pour réfléchir au souffle à donner à la créativité de la Cité, afin qu’elle ne se tarisse jamais.
Je crois que toute politique culturelle doit évaluer de la manière la plus indépendante possible les conditions d’exercice d’une diversité artistiques afin de la soutenir, et d’améliorer et consolider le statut de ceux qui les exercent.
Dans ce sens, parler de Démocratie revient à trouver concrètement des mécanismes qui garantissent la pérennité et l’indépendance des structures et des démarches, pour que des projets artistiques puissent continuer à éclore.

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Le Théâtre et le jeu
Sûrement un des fondements du théâtre est le jeu, dans le sens ludique du mot, dans le sens d’agôn, du duel, mais surtout dans le sens du jeu comme lieu de l’imaginaire au théâtre. Comme tout jeu, le théâtre crée son propre monde, ses propres règles autonomes du monde extérieur. D’ailleurs en plusieurs langues on se réfère à l’activité théâtrale comme un jeu : Play, Spiel, Jeu etc.

Mais  que  signifie jouer lorsque nous sommes dans une société du spectacle, lorsque le jeu social l'emporte sur toute autre forme d'expression? Avons-nous mesuré à quel point le "théâtre" est partout dans l’expression de la vie commune ?
Le théâtre et son jeu spécifique se banalisent dans un jargon ou un métalangage qui touche à toutes les activités sociales. On parle aujourd'hui du « jeu politique » ou du « jeu économique », quand il ne s'agit pas du jeu de la guerre avec son morbide « théâtre des opérations ». Nous nous trouvons donc de plus en plus face à ce "mauvais théâtre du réel".

Le théâtre est vivant et intéressant seulement quand il essaie de faire ce qu’il ne connait pas, c’est seulement ainsi qu’il devient inventif.
Chaque fois qu’on oblige un art à devenir rentable, il s’appauvrit, car il doit se standardiser, s’adapter a une demande. Nous savons que le théâtre dans nos sociétés où prime le divertissement est devenu un art minoritaire qui ne peut concourir ni avec le cinéma populaire ni avec la télévision.

Heiner Müller aimait raconter une parabole de la philosophie de management. Si quelqu’un jette un crapaud dans l’eau chaude il essaie de sortir le plus vite possible, s’il est mis dans de l’eau froide et on augmente progressivement la température, il se laisse cuire paisiblement. Il ne s’en rend pas compte. 
Müller considérait cette histoire comme une parabole de nos sociétés contemporaines et bien sûr aussi du théâtre.
Elle montre que lorsqu’un changement négatif s’effectue de manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps pas de réaction, pas d’opposition, pas de révolte. : le crapaud cuit !

« La désintégration du consensus humaniste-libéral nous offre l'occasion de modifier l'esthétique de la création actuellement en vigueur. À l'époque de la surabondance, du divertissement, de l'information, de la documentation et de l'analyse, le théâtre n'a rien à gagner à rivaliser avec des technologies qui lui sont supérieures. Le théâtre d'analyse sociale, qui repose sur la communication des idées et, par conséquent, sur un flot continu de fables pourvues de sens, traite son public comme un chien en laisse. L'effroi que ressent le public privé de ce genre d'histoire est comparable au choc ressenti par un animal qu'on sort de sa cage - il hésite, il résiste même, à la perspective de sa propre liberté. Dans le théâtre de la Catastrophe, le marché selon lequel le public renonce à ses droits pour s'assujettir à l'auteur en échange d'information ou de divertissement, de conscience ou de massage, est aboli. Le premier signe attestant l'inexistence d'un tel contrat est la cadence étrange d'un nouveau langage, dont les rythmes et la syntaxe ne sont pas ceux du discours habituel. C'est un discours aussi contraint que la poésie, disloqué, parfois lyrique, souvent cru, dont la densité et les contradictions internes sont à la fois source d'évocation et de confusion. Dans une culture où le langage a perdu son prestige officiel au profit de l'image et du commerce,
ce flot de verbe sonore submerge son auditeur, lequel doit se satisfaire d'une compréhension partielle mais dont l'attention est retenue par la substance sensuelle du discours dans la bouche de l'acteur formé (…) » 
Howard Barker dans le théâtre de la Catastrophe Ouvrage sous la direction d'Élisabeth Angel-Perez avec le concours de Robin Holmes 2006

Gabriel Alvarez (2012)

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Vous qui pénétrez ici, abandonnez toute révérence et tout conformisme ! Cédez à l’extravagance de ce cabaret irrévérencieux !

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La Panne

Je parle. Je parle pour que quelqu'un m'entende. Je me trouve mêlé à une histoire qui me laisse sans voix, à une affaire inextricable et indicible..

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