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SPECTACLE

L'intime et mon théâtre

L’intime et ma pratique théâtrale
Je suis toi, quand je suis moi. Paul Celan, Éloge du lointain, 1952

Quelle est la place de la notion de l’intime dans mon théâtre ?

Thématiquement j’ai toujours eu une préférence pour les histoires ou les pièces qui mêlent la grande Histoire avec l’histoire, les territoires de l’intime avec ceux de l’histoire de nos sociétés. Comment dans les destins de certains personnages, ces deux catégories, l’intime et le social, prennent forme ensemble.
Je pense aux textes de Heiner Müller ou à nos créations sur la reine Élisabeth 1ère d’Angleterre, ou à Marie Stuart de Dacia Maraini, mais aussi dernièrement à nos spectacles sur les pièces de Howard Barker. Dans toutes ces pièces, la sphère publique et la sphère privée se mélangent et leur distinction est loin d’être évidente, ces sphères n’étant pas étanches l’une de l’autre. Elles relèvent, là encore, d’une construction historique mettant en jeu les organisations sociales, les hiérarchies et les dispositifs de pouvoirs qui vont interférer et recouper les questions telles que le genre, les classes sociales, le sexe, la religion, la manipulation et le contrôle des individus.


C’est dans ce sens que la tragédie grecque m’a toujours intéressée. Elle a été pour mon travail théâtral une source et une référence, car de manière claire et brillante, elle met en lumière ce conflit constitutif de notre existence sociale : l’opposition du public et du privé, ou pour être plus précis, entre l’état et l’individu.  Le conflit entre le politique et l’économique, la stasis grec, cette guerre civile entre l’oïkos et l’Etat – la Polis – de laquelle parlent les Grecs. Aristote nous parle déjà du partage entre deux types de pouvoir, en distinguant le pouvoir proprement politique (celui de la Polis) et un pouvoir despotique, celui de l’oïkos, qui s’exerce sur les femmes, les enfants, les esclaves.

Il y a une entité fondamentale dans mon travail théâtral : celle du corps, et quand je dis corps je pense à la voix et au corps comme une totalité, le corps de l’acteur.ice bien sûr, mais aussi la thématique du corps, du contrôle de la société sur les individus qui ne s’effectue pas seulement par la conscience ou par l’idéologie, mais aussi avec le corps et dans le corps. Dernièrement, avec le spectacle sur les Dadaïstes, je me suis intéressé à ce marché incontrôlable qui suscite des images et des désirs du corps, la publicité, la pornographie, le fétichisme et la chosification des femmes en particulier et des corps en général.
Pour moi, dans la pratique théâtrale, il y a l’énigme du corps des acteurs’ices, (mais on pourrait aussi dire des corps des spectateurs), toujours là et ailleurs, un corps utopique, ouvert et fermé, perméable et opaque. Une énigme du corps, car comme le faisait remarquer Spinoza : « Nul ne sait ce que peut un corps...».
Et c’est bien ça, dans cette somme de possible qu’est le corps de l’acteur.ice que je trouve la magie dans mon travail.
Le défi est et sera toujours d’aider à révéler ou à manifester, à rendre agissante la puissance créative que chaque acteur et chaque actrice a en lui, en elle. Pour moi il s’agit d’aider l’acteur.ice à séparer, en le disant de manière prosaïque, l’or de la merde, c’est-à-dire, de déceler dans l’actrice et l’acteur ce qui augmente sa puissance d’agir. Quand c’est le cas, l’affect qui s’ensuit est la joie.
Communément, nous disons que créer c’est passer du possible au réel. Dans mon travail, c’est un peu le contraire : nous partons de certaines circonstances données afin de chercher la réalisation des « impossibles » : ce que l’acteur pense ne pas pouvoir réaliser. Souvent dans le travail j’entends, après-coup, « Ah, oui, c’était possible ». Le possible est une catégorie d’« être » qui est fondamental dans l’échange avec l’acteur.ice. Car je ne peux pas faire l’impasse dans ma relation au travail avec les autres collaborateurs de ce qui est latent, ouvert, singulier. Intuitivement, c’est traquer un ensemble de signes afin de m’introduire dans une sorte de nuit noire qui est là, demandant à se réaliser.

Ma vocation primordiale face au travail avec les autres et pourquoi pas aussi avec moi-même c’est de réduire le champ de la routine. D’ouvrir les inconnus, les inviter en quelque sorte à se manifester.
Mon idée du théâtre cherche à composer avec un corps scénique qui n’est jamais nu, jamais présent comme un objet que l’on rencontrerait dans la nature. C’est un corps diversement historié, marqué des stigmates de sa culture et de son intimité et surtout de sa mémoire.

L‘Intime et le spectateur

Mais également, on pourrait parler du corps du spectateur, qui je pense, dans chaque spectacle, doit être mis à l’épreuve. Par là je ne veux pas dire torturé ou invité sur scène comme dans des spectacles interactifs. Non, le corps du spectateur, car nous sommes bien d’accord, il n’y a pas de public homogène, sinon des individus, atomisés dans le noir de la salle qui doivent être invitées à faire usage de leurs corps perceptifs, réceptifs. C’est une invitation à l’écoute. L’art du spectateur est une pratique individualisée de l’écoute !

Au théâtre, tel que je le conçois, l’image de l’intime n’est pas un « for intérieur », une citadelle assiégée de toutes parts et qu’il faudrait attaquer par divers procédés afin d’obtenir reconnaissance, consentement et applaudissements.
Non, pour moi, cette intimité qui se construit dans la salle entre acteurs et spectateurs, c’est un espace insaisissable et poreux, cherchant toujours à établir et surtout à créer le besoin d’un rapport de soi à soi dans le rapport aux autres. Si on obtient cela, alors les frontières deviennent mouvantes, elles sont même à réinventer à chaque spectacle, car chaque soir est habité par des individus différents.
Oui nous savons que toute pièce théâtrale est représentative, dans la mesure où elle offre au spectateur des instances d’identification, des formes reconnaissables, et pour tout dire matière à mémoire.
Selon mon point de vue, l’art de la mise en scène consiste à défigurer ou outrepasser un certain ordre quotidien dans la représentation afin de faire sentir une émotion.

Le théâtre du Galpon a été conçu architecturalement afin de permettre la construction d’espaces scéniques, avec des cadrages serrés, cherchant toujours à exalter la voix et le corps des artistes, offrir au public une concentration et une intimité pour qu’il puisse déguster les rondeurs et les respirations, l’érotisme et la liturgie d’une parole et d’un corps travaillés pour la scène.
Dans chaque spectacle je conçois en amont la relation spatiale à établir avec le spectateur. La distance du spectateur est pensée et proposée afin de trouver un équilibre de la relation à soi et aussi de dynamiser la relation proprement intersubjective (relation acteurs-spectateurs, mais aussi entre les spectateurs eux- mêmes).
Je veille à ce que la frontière perceptive entre acteur et spectateur, même si elle est perméable, ne devienne jamais celle que propose le tournant performatif actuel, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, il y a deux rôles différents, ou deux statuts clairs à ne pas dépasser entre acteur et spectateurs afin que l’acte théâtral puisse exister. L’un est l’activité du jeu et l’autre l’activité de la contemplation, de l’observation, du témoignage du spectateur.
Mais il faut le dire, même dans l’intimité de la salle, ce que nous regardons et écoutons est bien déterminé socialement. Nous ne voyons que ce que nous avons appris à voir.

« L’émancipation, elle, commence quand on remet en question l’opposition entre regarder et agir, quand on comprend que les évidences qui structurent ainsi les rapports du dire, du voir et du faire appartiennent elles-mêmes à la structure de la domination et de la sujétion. C’est dans l’écart qui sépare la scène de la salle que réside la possibilité d’une rupture, porteuse d’une charge politique [...]. Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, 2008

L’intime et l’acteur.ice

Pour un acteur, exister sur scène ne veut pas dire seulement coïncider avec soi. Si on se tient au sens étymologique, exister, c’est être hors de soi, traduit dans la pratique théâtrale, cela fait référence à cette double attention que l’acteur doit développer en permanence. Une partie de son attention focalisée sur lui et une autre sur l’Autre, son partenaire de jeu, son personnage. Pour un acteur devenir soi implique d’avoir la possibilité de « sortir de soi », paradoxalement c’est disparaître en tant qu’ego pour toucher une autre présence, celle du soi. Nous ne devons pas oublier qu’un acteur dans son travail est toujours en même temps sujet et objet. C’est lui qui agit sur son corps et sa voix qui deviennent des outils pour la composition de son personnage ou de ses actions.
Si le travail de l’intime signifie la réalisation de soi, la mise en forme du soi, cela suppose pour l’acteur.ice l’ouverture des frontières, la curiosité, la générosité et une très riche imagination. Il lui faut le don de l’observation, de l’écoute, apprendre à regarder, à voir. Comme disait le poète anglais William Blake, « Si les portes de la perception étaient purifiées, toutes les choses apparaîtraient à l’homme telles qu’elles sont, infinies. Car l’homme s’est enfermé, jusqu’à voir toutes choses au travers des étroites fentes de sa caverne.»
L’acteur.ice doit nettoyer les portes de la perception. C’est à dire se libérer de ses obstacles physiques et psychiques, d’où l’importance d’un training quotidien corporel et vocal, cherchant tout simplement à pousser ses limites, à trouver une réversibilité permanente entre le dedans et le dehors. Sortir du confinement de son ego.
D’où l’importance d’ouvrir avec son imaginaire des passages entre son vécu personnel et les situations du personnage, les situations scéniques.

On dit qu’il y a l’espace intérieur et l’espace extérieur. Je n’y ai jamais cru. En tout cas, on voit bien au théâtre, ces deux espaces reformer le même... On y voit par instants que l’univers est à l’intérieur du langage.
« Le langage est l’espace contenant tout. Le vrai sang des choses est à chercher au fond des mots.
J’essaye de lutter, de me battre, avec beaucoup d’autres, contre l’image mécanique de l’homme qui toujours en nous se reconstitue. Contre ce monde binaire qu’on nous impose : de surface, sans profondeur, réduit aux images plates... Plates à mourir, diraient les Québécois... Se battre contre l’idée d’une vie sans traversée, contre une pensée sans fugue, sans perspective et sans respiration ».
Valère Novarina, In le théâtre des paroles, 2007.

Gabriel Alvarez

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