La Nuit de Molly Bloom de Sanchis Sinisterra /
« La Nuit de Molly Bloom » de Jose Sanchis Sinisterra
Molly Bloom déballe ses malles au Galpon
Molly Bloom déballe sa malle. Le temps d’une longue confidence, elle jette pêle-mêle sur le plancher de sa vie, décolletés de nymphette et coiffe de princesse, trousse de maquillage ou trousseau de mariage, romans de gare ou petits poèmes en prose, etc. Cette vie toute chiffonnée ne semble avoir ni queue ni tête. C’est celle de I’héroïne d’Ulysse, chef-d’œuvre de James Joyce. Le dramaturge espagnol Jose Sanchis Sinisterra en a fait un monologue titré « La Nuit de Molly Bloom », à découvrir au Théâtre du Galpon dès le 7 septembre. Gabriel Alvarez, qui anime depuis plusieurs années un studio de recherche, signe la mise en scène. Et continue ainsi après « Matériau Médée » joué à la fin du mois de juin de fouiller les soupentes de la mémoire. Lise Zogmal et José Ponce prêtent corps aux fantômes de Molly.
ADF/LE TEMPS / SEPTEMBRE / 1999
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Molly Bloom tangue entre volupté et gravité
Ce n’est pas par hasard si le lit de Molly trône au cœur d’une scénographieinvitant à pénétrer 1’intimité du couple Bloom.Destinée à la volupté, l’objet, sait aussi plombersa proie lorsque le sommeilse fait désirer. Cet aller-retour entre jouissance et gravité, entre fantasme et réalité, MolIy Bloorn l’effectue sans cesse durant la nuit que James Joyce lui a consacré. Situé à la toute fin de son grand œuvre « Ulysse », le chapitre intitulé « Pénélope » ne présente pas l’épouse selon un principe de linéarité. Mais lui donne à dévider le fil emmêlé de ses souvenirs et pensées, en temps réel – gage de la modernité de l’ouvrage. Et, à travers cette déferlante verbale fidèlement préservée dans la versionscénique de l’Espagnol José Sanchis Sinisterra, lui taille l’habit d’une rebelle contrarie. D’une partisane du libre-plaisir; condamnée.
Aux cotes d’un mari endormi (José Ponce), à vibrer en diffère. Dirigée par Gabriel Alvarez, directeur du Studio d’Action Théâtrale (SAT), Lise Zogmal interprèteavec doigté la difficile partition.
Face à ce monologue aux narrations constamment imbriqués, Gabriel Alvarez et Lise Zogmal ont eu raison d’opter pour la simplicité, de sa voix grave, bien timbrée, la comédienne restitue sans délai le climat véhiculé par la pensée. Il n’est jamais question d’égarer le spectateur ; de le perdre dans une opaque ambiguïté dont il faudrait ensuite le retirer. Le jeu est naturaliste, sobre, proche de la sensation donc, ici, plein de sensualité — et permet que se réalise ce principe recherché d’intimité volée.
MARIE-PIERRE GENECAND/LE COURRIER/15 SEPTEMBRE 1999