Le Cas Blanche Neige Howard Barker /
entretien Gabriel Alvarez
Théâtre du Galpon Howard Barker entretien avec Gabriel Alvarez
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Critique de la TDG Katia Berger
Le théâtre de la catastrophe renverse le Galpon
Création Gabriel Alvarez cimente deux pièces du dramaturge anglais Howard Barker.
Derrière les voiles dont Gabriel Alvarez hachure son «Cas Blanche-Neige», les mâles soupirent en arrière-plan, la princesse fulmine de n’occuper que le second, la Reine joue de ses charmes au premier, et la pomme gît au sol, près de miroirs ici hors-champ.?
Par Katia Berger 29.10.2015
Avec Mack is coming back en 2012 ou Joséphine, Cantatrice du peuple des souris en 2014, Gabriel Alvarez et son Studio d’Action Théâtrale avaient pris l’habitude de faire chanter les comédiens. En montant aujourd’hui deux pièces du dramaturge britannique Howard Barker, né en 1946, le Colombien ancré à Genève, tout en y instillant toujours la musique de son comparse Bruno de Franceschi, renonce à la dimension opératique de ses productions.
Plus exactement, il ne concentre plus son intensité lyrique que sur la langue, la parole, la voix, même traduites, de son auteur. De sorte que la déclamation du texte par Clara Brancorsini, Laure Laboureur ou Marcin Habelas (entre autres) ressemble à celle d’une opérette, dont les récitatifs seraient confiés à des chanteurs aux accents trahissant un casting international, mais au jeu suggérant comme une limitation imposée.
Trois souveraines sexuelles
A l’écouter, le metteur en scène a dû lui aussi se restreindre. Au départ, son projet de sillonner l’œuvre de Howard Barker incluait trois étapes. Mais l’ampleur de l’entreprise l’a obligé à lâcher la Judith biblique pour ne conserver, parmi les mythiques figures féminines qui peuplent le «théâtre de la catastrophe» inventé par l’Anglais, que celles de Blanche-Neige, de la Reine sa marâtre, et de Gertrude, mère de Hamlet.
Trois souveraines à la puissance exacerbée, y compris sexuelle, réparties entre deux titres que le public est invité à découvrir ensemble ou séparément: Le Cas Blanche-Neige et Gertrude (Le Cri). Le premier, plus léger, moins abouti peut-être, étant considéré comme le vestibule artistique du second.
Comme au Théâtre Le Poche qui pratique désormais des «Sloops» en plusieurs temps, la distribution des deux spectacles, ainsi que les axes de leur scénographie, restent identiques. Derrière un même voilage qui marque la frontière entre la scène et la salle, les corps exécutent un cérémoniel rythmé par une diction pleine d’emphase.
Crudité subversive
On est ici aux antipodes de l’univers fleur bleue d’un Walt Disney. Au royaume de la «catastrophe», foin de psychologie destinée aux fillettes à préparer au mariage. Blanche-Neige éructe sa jalousie envers une belle-mère dont l’érotique maturité excite les mâles. Le désir est une douleur, le coït une défaite, et l’opacité due aux ans signe la beauté des êtres. La crudité des rapports n’a d’égale que la violence du pouvoir. Les femmes sont un océan, les hommes son menu fretin.
Louable initiative que de donner à entendre aux Genevois le discours subversif et dérangeant de ce Howard Barker congénère d’Edward Bond. Mais délicate aussi, comme le démontre la réalisation de Gabriel Alvarez, si stylisée, si sentencieuse et maniérée qu’elle en paraît empêchée. Comme l’aria d’une soprano qui se serait volontairement bâillonnée…
